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30 novembre 2017 admin

Le cri des hommes - par Franck Nouchi

 

Leurs images nous hantent. A pied, dans des bateaux de fortune, dans les soutes d’un avion, à toute force, ils tentent de fuir la misère, la faim, la privation de liberté. Ces hommes, ces femmes, ces enfants parfois, Isabelle Taourel n’a pas choisi de nous les montrer.

Renouant avec une grande tradition picturale, elle a simplement voulu suggérer les paysages de l’exil. Pas une forme humaine dans ces espaces infinis, aucun signe de vie, rien si ce n’est des chemins qui semblent mener vers des horizons incertains. Sont-ce des déserts? Des plaines immenses ? Peu importe, ici ce sont les paysages qui disent les hommes, leurs drames, leurs errances. Il y a chez Isabelle Taourel un remarquable art des lignes, lignes de front s’entend, qui ne peuvent se résoudre à dessiner de véritables perspectives. Les horizons fussent-ils infinis, apparaissent comme bouchés, incapables de proposer aux errants de passage le moindre espoir de vie nouvelle.

Ici, l’art du paysage, de la suggestion du paysage devrait-on dire, ne peut se concevoir sans référence à l’art de la parole, à certains discours. L’absence d’humanité, l’inhumanité même de ces oeuvres, renvoient à notre indifférence, à notre incapacité à vouloir voir et entendre la détresse de ces hommes, nos semblables.

Le paysage, dit-on, naît d’une distanciation. De soi à l’espace. En artiste, mais aussi en grande cadreuse, Isabelle Taourel nous offre le recul nécessaire, la juste distance qui nous permettent, à nous spectateurs-citoyens, d’être interpellés par l’extraordinaire aridité de ses visions. Ainsi donc, le paysage peut-il être source d’engagement.

Regardez-les, observez ces traits, interrogez-vous sur ces masses sombres, scrutez l’infini, et vous verrez alors surgir de nulle part ces êtres harassés. Ne bougez pas tant qu’ils ne vous ont pas interpellés, eux les grands absents de ces paysages; mais quand vous les aurez enfin croisés, vous n’oublierez plus jamais ces paysages de l’exil.

Rares en peintures sont les paysages qui bouleversent, sinon par leur beauté. Très rares sont ceux dans lesquels on arrive à percevoir l’écho du cri des hommes. Tendez l’oreille, pour une fois. Dans la désolation de ces plaines immenses, n’est-ce pas, justement, le cri des hommes oubliés que l’on arrive à percevoir?

 

Topographie de la peinture - par Franck Nouchi

A propos des Encres d’Isabelle Taourel

Le hasard. Quelques jours avant de découvrir les nouvelles « Encres » d’Isabelle Taourel, j’avais feuilleté Topographies de la guerre, un ouvrage édité par Steidl et Le Bal. M’intéressant à la bataille de Verdun, je voulais revoir ces extraordinaires photos aériennes de champ de bataille sous la neige prises par Charles-Jean Hallo le 11 janvier 1917 à 14h30. Et puis, dans le même livre, il y avait aussi cette autre photo, de Roger Fenton, prise en 1855 : The Valley of the Shadow of Death ; un paysage rocailleux, une route qui file vers l’infini.

La première phrase de ce livre passionnant m’avait fait sursauter : « Lacan, dans le Séminaire XI, décrète que « Toute action représentée dans un tableau nous y apparaîtra comme scène de bataille ». Qu’avait voulu dire le célèbre psychanalyste ? D’autant qu’il ajoutait : « La guerre est le père de tout ».

Et voici qu’à présent, je fais face aux encres d’Isabelle. Même sensation. Telle une archive, la peinture se fond dans l’histoire pour mieux appréhender l’épreuve du temps.

Laissez-vous happer, approchez-vous. Cette fois les paysages d’exil sont devenus des champs de batailles. Nous sommes trop haut pour pouvoir discerner la moindre forme humaine. Les routes semblent vides, à l’abandon. D’ailleurs, peut-être n’y-a-t-il plus personne. Juste le silence et le froid.

Soudain, me revient en mémoire le magnifique texte de W.G. Sebald, De la destruction comme élément de l’histoire naturelle. Il s’agissait au départ d’une conférence sur la « Guerre aérienne et (la) littérature ». Curieuses sensations de déjà vu. De déjà lu. Ces encres transcendent la photographie et la littérature.

Envie, ensuite, de revoir l’œuvre d’Isabelle. En commençant par le début, lorsqu’elle cherchait ; empruntait des routes escarpées à la recherche d’un temps brisé.

A présent, elle ose. Dessiner des portraits vides : art de la gestuelle, déhanchement du cou, silhouette humaine, regard absent et pourtant ô combien présent. Qui sont-ils ces êtres au regard perdu ? Au regard effacé ? Quelles épreuves ont-ils bien pu subir pour se retrouver ainsi privé du droit de voir ? Et pour quelle raison, à mesure que nous les observons, nous sentons-nous regardés ? Epiés ? Conviés peut-être, quels qu’ils soient, à aller vers eux, à leur rencontre ?

Ils sont les hommes. Elles sont les femmes. Et nous sommes juste priés de les considérer pour ce qu’ils sont, ou devraient être : nos frères, nos sœurs. Au lieu de quoi, soyons francs, nous les ignorons, qu’ils soient en perdition quelque part au milieu de la méditerranée ou enfermés dans des camps quelque part en Europe.

Isabelle n’en n’a certainement pas fini avec son voyage au bout de la nuit. D’autres batailles l’attendent, d’autres visions, d’autres œuvres. Mais, d’ores et déjà, le chemin tracé ne s’effacera pas de la mémoire de ceux qui l’emprunteront.

Etats d'encre - Par Martine Tina Dassault

Ce qui frappe dans le travail à l’encre d’Isabelle Taourel, c’est la voracité joyeuse,  le péché de gourmandise, la régalade. Après le travail de peinture sur zinc dont on a relevé l’évidente préciosité, la délicatesse dans le raffinement extrême d’une présence absence, ses encres, dans tous les cas, y compris ses « failles » en apparence plus douloureuses, manifestent quelque chose de l’ordre de l’expansion, du lâcher, et du plaisir.

Tout ce qui était retenu, bridé, dans le travail à l’huile, glisse, respire au large. Le trait est devenu un geste ample qui n’en finit plus d’envahir, de déborder de la scène qu’il s’est choisi. Quand dans les huiles règne un silence recueilli comme une ascèse, un grand vent de liberté souffle dans l’oeuvre sur papier.

Le mariage de l’encre et du papier relève d’une tradition millénaire dont elle revendique totalement, sinon l’esprit, du moins la lettre. Chez les maîtres chinois elle a passé un moment à étudier les techniques de la calligraphie et la vénération du matériau.

Mais elle s’en est affranchie à l’heure de la règle; là où l’artiste chinois obéit à des principes très précis qui lui enseignent la nature comme objet d’art, et l’obligent, non pas à l’imitation qui ne serait qu’un reflet sans âme, mais à sa propre dilution dans le paysage, Isabelle Taourel s’impose la tache d’encre comme principe fondateur.

La question chinoise- dit-elle – c’est le vide et le plein. La question de la tache et du trait n’est pas une question chinoise.

La tache avec laquelle il faut jouer, pactiser, lâcher, laisser aller et maîtriser à la fois, tout simplement parce que la tache est là, irrémédiable et ne s’efface pas, n’

a rien à voir non plus avec le tachisme hugolien ni avec celui des surréalistes qui faisaient de l’accident – tache le principe créatif, laissant surgir du divin hasard les états d’inconscience et de conscience.

 Les états d’âme d’Isabelle sont d’abord des noces de papier.

Le papier lui est autant un terrain expérimental qu’existentiel, un vécu physique aussi, duquel tous les moyens d’expression participent en filigrane. Ses encres y dansent, y chantent et enchantent, aussi sonores que gestuelles. Ses papiers bougent, lisses ou froissés, tantôt frissonnent, se rident ou se plissent  de cette impérieuse nécessité à être de leur vraie nature.

Tu vois la feuille qui vit et qui change avec l’encre. Le papier dicte ton geste.

Papier du Japon, plus noble, plus souple et lisse, plus conciliant aussi, autorise des gestes précis et impérieux.

Papier de Chine, son papier, voile rustique comme toile d’araignée, se déchire au moindre souffle, à la plus infime pression du pinceau, se délite à la mouillure, l’oblige et la contraint dans son ardeur jusqu’au plaisir ultime de l’accomplissement.

Il est des papiers qui retiennent l’encre et d’autres qui la laissent diffuser – dit-elle. Chaque nouveau papier est une surprise, car il offre une palette de possibilités. Une nouvelle encre est une aventure. L’imprégnation du pinceau, son choix, la pression exercée sur la feuille, la dilution de l’encre, tout compte.

Ce sont aussi les états d’encre qui conduisent le déterminisme de l’œuvre à naître: Avec l’huile tu as le temps, tu peux effacer, recommencer, tu peux laisser les choses venir à toi, il y a une lenteur, une douceur – dit-elle. Avec l’encre l’état de vigilance n’est pas le même, c’est un moment, une concentration, une respiration, une mise en danger.

Pas étonnant alors que son travail à l’encre commence avec les failles. Le papier, physiquement déchiré en son centre ou en son ventre, au plus noir de son encre, réintroduit, en même temps que l’évènement énigmatique de la faille, l’idée de la blancheur.  Comme dans un rituel de désenvoutement, le papier cède, et dans ses retranchements la dilution du noir se produit, l’air s’allège.

Le travail sur le sable, performance qu’elle réalise pour le projet Archisable, en plein vent, face à la mer et à la marée montante change la donne.

Sur la plage je n’ai pas eu la dimension à laquelle j’étais habituée. J’avais l’infini, et j’avais l’air et l’eau.

Dans mes huiles, les paysages, l’air et la mer c’était ça. Je n’avais fait que les regarder et tout à coup j’ai touché…et je me suis autorisée à construire sur le sable. J’ai touché le sable. Le paysage est devenu matière. Le grain, sec, mouillé humide, m’a passionnée et a basculé dans l’infiniment grand. Tout a basculé dans ma façon de penser le paysage. 

Le  papier de la série Sables, respecté dans ses fragilités, est plié et replié pour supporter le nouveau souffle. Le vaporeux, l’aérien, la possibilité de l’instable et de l’éphémère débordent et place le geste pictural dans un hors limite.

J’ai fait ces encres sur la question du sable et du grain, dit-elle. Et mon geste ne pouvait pas s’arrêter.

Libre comme la tempête - par Franck Nouchi

Isabelle Taourel est repartie sur les chemins de l’exil…

D’abord, il y a l’immensité, le ciel et la mer confondus. Un horizon de nulle part, gris sur gris. Où aller, sinon tout droit, là-bas, vers une liberté sans cesse inaccessible ?

En barques de fortune, en avions cabossés, les voilà enfin, ces hommes qui ont tout quitté pour des terres promises. Nos semblables, nos frères. Comme ils nous ressemblent !

« Je ne suis pas que moi », dit, à cet instant, Isabelle Taourel, pour marquer l’événement. Et elle ajoute, incrédule : « Pourquoi regarde-t-on l’autre comme un étranger ? Pourquoi n’y-a-t-il pas une parcelle de nous qui dise que nous sommes, nous aussi, des étrangers ? »

Les voilà, et ils se présentent. Photos de non-identité. Eclipse totale de visages. Qui sont ces hommes dont on ne sait rien, dont on ne veut rien savoir ? Quatre clichés pour une ombre, et puis s’en va.

  • Papiers ?
  • Sans…
  • Disparaissez !

Noir des photos-matons. Etrangers sous X. Refus de voir. Refus de comprendre.

« Je ne suis pas que moi ». Isabelle Taourel fait irradier les noirs, tous les noirs du monde, en une multitude de teintes. « Qui d’autre que moi dira l’autre ? »

Sur des petites plaques de zinc, la mer, encore. Linceul des vagues blanches. L’écume des nuits, un soir d’exil. Les Chants de Maldoror : « Vieil océan, tu es le symbole de l’identité… » Et puis, plus loin : « Libre comme la tempête, il est venu échouer, un jour, sur les plages indomptables de sa terrible volonté. Il ne craint rien,  si ce n’est lui-même ! »

Soudain, l’homme apparaît. Une fois, deux fois, trois fois. Noir, tout d’abord. Avant de s’habiller. Visage caché, visage enfoui, de peur d’être reconnu, c’est le vêtement qui vit. Pas besoin de dire qui l’on est, le vêtement parle pour soi. Habits de fête, couleurs, la vie qui revient. Espoir…

Un jour, pourtant, il faudra repartir. Retourner dans le désert, de gré ou de force, revoir les cailloux, retrouver ces dernières traces de vie éparses sur le sol. L’homme qui n’est pas que lui.

Lautréamont, encore : « L’homme et moi, claquemuré dans les limites de notre intelligence (…) nous nous écartons, avec le tremblement de la haine, en prenant deux routes opposées, comme si nous nous étions réciproquement blessés avec la pointe d’une dague (…) moi, seul, contre l’humanité. »

Like a rolling stone

Franchis les déserts, les plaines immenses et désolées. Place au grand vent, aux autres rives. De l’autre côté de la mer. Changement de point de vue. Notre histoire est leur histoire ; leur histoire est nôtre. Question d’altérité.

Et si nous regardions ces hommes qui viennent à nous ?

Zincs états d’âme – par Martine Tina Dassault

Ses formats et la délicatesse infinie de son propos la situent d’emblée dans l’intimité d’une « chambre des merveilles », dans le registre du cabinet – miroir du monde en réduction, dévolu au songe, à la contemplation de mondes cachés, mystérieux, fascinants, oubliés. A la fois introspection et évasion, voie royale du rêve, mémoires enfouies, le travail appelle une connivence recueillie et agissante du spectateur ou collectionneur.

Il lui faut accepter de franchir les portes, rejouer les Alice pour passer d’un monde à l’autre, de la Wunderkammer de l’amateur à celle de l’artiste, pour entrer dans ses paysages, se pénétrer de ses mers, de ses ciels, de son vaporeux, où chaque souffle recueilli, chaque vent, chaque soupir, chaque frisson, imprègne son chiffon et son pinceau.

Il faut lâcher quelque chose du soi pour y gagner en liberté, s’emplir de ses paysages physiques et mentaux,  de ses natures chargées de traces, porteuses de mémoires, se laisser envahir, rentrer dans sa poétique comme on relirait un poème de Rimbaud.

 

Les courants de la lande,

Et les ornières immenses du reflux,

Filent circulairement vers l’est,

Vers les piliers de la forêt, –

Vers les fûts de la jetée,

Dont l’angle est heurté par des tourbillons de lumière.

 

Ses zincs dépassent rarement 12cm en hauteur, le plus souvent moins. Le travail s’étire en longueur, radical dans sa linéarité, comme pour bien marquer que dans la durée se situe le geste. Dans une époque où les grands formats sont rois, et le clinquant la loi, où l’art se cherche une définition, préférant souvent l’évènementiel à l’événement intérieur, ce travail ramène à  l’intime, à l’altérité, au secret, et à l’infiniment précieux.

La première démarche de l’artiste, constitutive de sa poétique, de son action créative, est la rencontre avec le matériau, déambulation à la recherche des plaques de zinc, qu’elle choisit pour leur état d’âme, déjà tatouées d’une vie antérieure, à l’épreuve des vents, des pluies et des soleils, et dont l’oxydation témoigne de leur densité d’être. Du premier contact quasi physique avec le matériau –à la fois support et terreau –naît une cohésion intime avec les atomes du métal et leur histoire géologique. L’histoire en strates commence ici, dans la rencontre entre deux vécus, dans le ressenti, dont les gestes de l’artiste constitueront la chimie ultime.

La seconde action s’inscrit dans la lenteur, la douceur infinie des gestes comme des rites de passage qui se posent et se déposent en strates sur la matière. Il est question de traces à la limite de la disparition, de ténu, d’à peine palpable. De rencontres d’âmes à âmes, de souffles premiers à retenir, de preuves antérieures de vents et d’eau, et d’herbes folles à faire apparaître sur des pays en devenir.

C’est le lent travail d’estompe, issu de la technique de la fresque, inscrire, effacer, encore et encore, et témoigner à chaque strate de son réel.  Epurer jusqu’à l’à peine perceptible, jusqu’à son essentiel, des mers et des ciels, des territoires surgis des particules du minerai, des verts des bleus des gris et des bruns, vibrant de leur nouvel état alchimique, de leur traversée de l’invisible au visible. Comme si le geste de l’artiste consistait non pas à raconter mais à faire apparaître.

Il n’est pas question d’appropriation mais de vécus à consigner, de remise au monde, de lumière blanche et de version primordiale.

« Je donne à voir des choses que je n’ai pas nommées » dit-elle. «  Elles sont présentes au-delà des mots et des signifiants. En ne les nommant pas je peux en percevoir autre chose, m’affranchir des mots pour trouver les masses, les lumières, une présence. »

Aucune trace humaine apparente dans ses paysages qui parlent de solitude, de limites à franchir, et d’indéterminé. Pourtant la présence affleure dans ce non- être vibrant, quasi cinétique, dans ce devenir en mouvement qui ouvre tous les possibles, ces tempêtes probables, ces ciels qui mangent les mers et ces montagnes qui transfigurent les nuages. Aucune autre histoire que ce déterminisme d’horizontalités, de lignes qui s’entrecroisent, de chamboulements et d’évanescence, de hasards aussi, chemins ou destinées, lignes de fuite où l’artiste se place à la frontière, entre le vu et le senti, le physique et le mental, l’imaginaire et le vécu.

Cet espace là est  précisément de celui de sa création – limites illimitées, la couleur comme marque d’un passage d’un état à l’autre,  jusqu’au flou qui gagne, et au vide qui se dessine.

« Je deviens poreuse au paysage » –dit-elle encore. « La porosité est une dilution, un oubli de soi comme compact. »

The cry of humans - by Franck Nouchi

Their image haunts us. On foot, in makeshift boats, in the holds of planes, with everything they’ve got they attempt to flee hardship, hunger and the loss of freedom. These men, women and, sometimes, children, are not visible in Isabelle Taourel’s work.

 

Reconnecting with a great pictorial tradition, she prefers simply to suggest the landscapes of exile. No single human form can be seen in these infinite spaces, no sign of life, nothing other than the paths that seem to lead towards uncertain horizons. Are they deserts? Vast plains? No matter, here are landscapes which speak of people, their stories, their wanderings. Isabelle Taourel demonstrates a remarkable gift for lines, that is to say, front lines that refuse to be drawn into true perspectives. Though the horizons may be infinite, they appear to be blocked, incapable of offering to the wanderers the slightest hope of an opening to a new life.

 

Here, the art of the landscape – one should rather say the suggestion of landscape – cannot be conceived without a reference to the art of speech, to a certain discourse. The absence of humanity, the very inhumanity of some of these works, sends us back to our indifference, to our incapacity to hear the distress of these people, our fellows. The landscape is said to have been born from a distancing : from the self to space. As an artist with a gift for framing space, Isabelle Taourel allows us to step back and find the right distance from which we, the citizen-viewers, are touched by the extraordinary aridity of her visions. Thus, the landscape can become a source of commitment.

 

Look at them, observe their lines, ask yourself about their dark masses, study the infinity, and you will see those exhausted beings appear out of nowhere. Do not move until those large invisible presences call to you from out of these landscapes; but when you finally encounter them you will never forget these landscapes of exile. It is rare to see deeply moving landscape paintings, moving other than because of their beauty. It is even rarer to come upon landscapes in which you can hear the echo of a human cry. Prick up your ears, for once. In the emptiness of these vast plains you will grow aware of the cry of those forgotten people.

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IN THE EXILES' EYES Interviewed by Franck Nouchi

Franck Nouchi : Regarding your work called Landscapes of Exile, why did you choose this theme?

Isabelle Taourel : It’s all about how we look at things. When you look at images of exiles on television, what do you see? Images of people. Nothing more. I wanted to reproduce what the exiles see, to put myself in their eyes, while eliminating all perspective.

Franck Nouchi : Before this series on exile, you had worked on the subject of the border. In your works one could see fields of flowers with small wooden black bars in the middle. On both sides of the same place, geography plays an arbitrary role. There is continuity between the border and the exile.

Isabelle Taourel : Yes, it’s the same idea. Exile, borders, and the flowers of war are all parts of the same work. These series begin with televised news programs which stimulate my desire to escape from the images that are given to us. I find those images almost unbearable which is why I try to bring up another point of view.

Franck Nouchi : Those televised images which you refer to, project a very particular aesthetic point of view; one might go so far as to call it the aesthetics of horror. We look at people who don’t have the right to speak. Did you want to give them back their speech by reproducing what they look at?

Isabelle Taourel : Yes, I try to imagine what they see, to put myself in their eyes. They are allowed to speak only if they say what we expect of them. I try not to look at them as I am forced to look at them.

Franck Nouchi : Would you say that this attempt, which is quite beautiful, to reproduce what the exiles look at, is your way of making us face our own indifference and, in the end, the silence in which they are shut? Is this a form of involvement on your part or is it rather your way of reacting instinctively?

Isabelle Taourel : I react to what is unbearable for me. What I see on television is unbearable for me. I have the feeling of being faced with an enormous lie and my work is my way of refusing to collaborate with it. I react to that violence with my words.

Franck Nouchi : In the spaces of exiles, there are no landmarks and no focal point. We are lost, without the slightest perspective, which creates a very strange sensation.

Isabelle Taourel : It’s important that there be no focal points so that one cannot slip away. This is why, for me, paintings are words. In these infinite landscapes, one cannot hang onto much except when the passage is blocked by a barrier. The eyes can wander endlessly. Exile and wandering…

Franck Nouchi : The materiel you work with and the technique you use all contribute to deepen the sensation created by the absence of focal points.

Isabelle Taourel : To begin with they are dry pointing engravings, a fundamental technique in print making. Then when these engravings are printed, they are scanned and reworked on the computer, allowing me to get formats which would be difficult to get in print making. In other words, it’s through this confrontation between the engraved line, a very old form of expression, with something more contemporary, that I give – at least I hope I do – the idea of it’s being an endless story. From the birth of engraving to today, the conflicts have always been the same. As for borders, even if they have changed, they are still there.

Franck Nouchi : The notion of exile constantly sends us back to the notion of conflict. Would there be no exile without conflict?

Isabelle Taourel : No, in any case that is not my subject. What matters to me are the exiled who are just trying to survive.

Franck Nouchi : Often we see bars, walls, artificial borders…

Isabelle Taourel : Men have put them up and are building more of them, everywhere. Man puts up barriers to protect himself, at least that’s what he thinks. Barbed wire, those artificial barriers, I’m not inventing anything.

Franck Nouchi : These landscapes are void of all human presence which reinforces the idea of a radical absence of any staging.

Isabelle Taourel : I began by working on the man and I had the feeling I was reproducing what we see on the news. I found that same particular aesthetic approach, those sublime pietas, covered in blood. I said to myself that it was unacceptable, that these things had to be said in another way. Instead of looking at the man, we had to show what he saw. I refuse to give the distorted illusion of reality as it is shown to us by televised images. Goya did it, but it was painting, so there was room for metaphor. It’s very different when you look at a video image, that feeling – that false feeling – of being faced with reality.

Franck Nouchi : So, according to you, to get a glimpse of reality, do you have to go behind the camera’s particular field of vision?

Isabelle Taourel : Reality is different for each of us. What I show is a different point of view; because I refuse the image that is imposed on us.

Franck Nouchi : Is this point of view in any way related to your personal or family story?

Isabelle Taourel : Perhaps. Perhaps not. I don’t know.

Franck Nouchi : Why perhaps?

Isabelle Taourel : ‘Perhaps’, because my parents are from Algeria and, before that, from Morocco, and long before that, from Spain. ‘Perhaps not’, because I’ve never had the feeling of being exiled, I’ve always lived in France. At the same time, ‘perhaps’, because my identity card is marked, “born in Oran, Algeria”. Another ‘perhaps’: when I went to Morocco for the first time with my daughter, people saw me as being of Moroccan descent. It staggered me. In France no one has ever asked me about my origins. When a seller in a souk said to my daughter, “So your mother married a Frenchman,” I was stunned… Those are the reasons for these few ‘perhaps’; but I think that the revolt, my revolt, goes beyond all that.

Franck Nouchi : Yet, listening to you, one says to oneself that the question of ‘elsewhere’ is a familiar one for you.

Isabelle Taourel : It’s familiar in so much that when you’re born elsewhere you are brought to justify your presence here. So that question is familiar but never painful.

Franck Nouchi : The earth, flower, roots are very present in your work. Are they so important for you?

Isabelle Taourel : Yes, very. Not long ago I went to Germany and I found myself in a place where much blood had been shed. I couldn’t stop thinking about it, I kept saying to myself that on this very spot the earth had been soaked in blood; what grows out of this earth was also soaked in blood.

Franck Nouchi : But your flowers are not soaked in blood.

Isabelle Taourel : No. They are a peaceful border. But it’s true that the issue of the earth is important. Be it burned, even stripped bare, I think it’s very difficult to live when you’re not rooted in the earth, even in imaginary terms.

Franck Nouchi : You have brought up Germany twice. It reminds me that you once spoke to me about how German expressionism and the German baroque have influenced you.

Isabelle Taourel : Yes, it’s regarding their humour and distance in relation to their work. In German baroque, which comes straight from Italy; you see that the question of the futility of life, and death, are handled in extremely funny and powerful ways. In the church where I went in Germany there was a sculpture, right next to the pulpit, with all the names of the priests who were already dead. The priest who was on the pulpit knew that the next name would be his.

Franck Nouchi : You have worked on the border, then on landscapes of exile. What’s next?

Isabelle Taourel : I’m going to stick to a new frontier: water. But I’m having a little trouble with it for the moment.

 

 

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